Aller au contenu principal
Nina Hazel : « Avec la fanfiction, l’histoire ne s’arrête jamais »

Nina Hazel : « Avec la fanfiction, l’histoire ne s’arrête jamais »

Nina Hazel, aussi connue sous le nom d’IACB, s’est fait connaitre en écrivant « Le contrat », une "fanfiction" autour de l’univers d’Harry Potter. Nous l’avons rencontrée dans le cadre du Lundi de l’INA consacré aux "fandoms", les sous-cultures des fans, qui se tiendra lundi 30 mai à la BNF . Entretien passionné. 

Propos recueillis par Benoît Dusanter - Publié le 25.05.2022

Le château de Poudlard, la célèbre école de magie d'Harry Potter. Crédits : Pixabay.

Nina Hazel.

Nina Hazel.

Nina Hazel.

Nina Hazel.

Captivée par l'univers d'Harry Potter, Nina Hazel, 26 ans, écrit de la "fanfiction" depuis ses 11 ans. Elle entretient également sa passion pour le récit avec Univers alternatif, un podcast consacré à l'écriture sous toutes ses formes. Loin du cliché de la groupie, elle défend une nouvelle vision de la création. Rencontre avec une fan qui a des fans.

INA- C’est quoi pour vous un fan ?

Nina Hazel : Le fan est quelqu’un de passionné. Je retire toute connotation négative au mot car bien souvent on l’associe à l’hystérie. Le seul "pêché" d’un fan, c’est d’être très attaché à une œuvre, un univers ou une entité.

INA- Quelle est votre définition du "fandom" ?

N.H - Le fandom, c’est une communauté qui s’organise autour de l’objet qui provoque sa fascination. C’est un monde à l’intérieur d’un monde. D’après mon expérience, notamment avec la communauté Harry Potter, elle peut devenir une famille. Au-delà de la passion, il y a des liens qui se créent entre les fans. Environ 80% de mes amis sont issus de la communauté Harry Potter. Le "fandom" a forgé la personne que je suis.

INA - Comment s’organise un "fandom" ?

N.H - Tout dépend de l’entité que l’on suit. Dans le cas d’Harry Potter, on réactive l’univers créé par J.K Rowling. On le ramène à la vie en quelque sorte. Écrire des "fanfictions" nous oblige à nous replonger dans les livres, à leur apporter un œil nouveau. Dans le "fanart", des dessinateurs de talent reproduisent des scènes ou interprètent l’œuvre originale avec une dimension plus libre et créative. Il y aussi les jeux de rôle (RPG) et les "cosplays" qui sont très présents dans la communauté Harry Potter. L'approche n'est pas la même si la saga est terminée comme dans Harry Potter ou si l'artiste continue de produire des contenus. Le groupe de K-pop BTS, par exemple, interagit beaucoup avec sa communauté de fans. Il y a une dimension addictive qui est entretenue par le groupe. C’est autre dynamique.

INA – Comment avez-vous commencé à écrire des "fanfictions" ?

N.H – Je lisais Harry Potter à 11 ans. Je ne voulais pas que l’histoire s’arrête. J’allais sur Internet à la recherche d’informations sur l’univers de J.K Rowling. C’est sur Skyblog que j’ai trouvé les premières "fanfictions", notamment Dramione, l’histoire fantasmée du couple formé par Drago Malfoy et Hermione Granger (personnages iconiques des aventures d’Harry Potter). Au fur et à mesure de mes lectures, ma vision changeait. J’ai donc décidé d’écrire à mon tour sur fanfitcions.net. Pour ma part, j’écris sur un monde alternatif. Je prends les personnages, qui sont l’essence de l’œuvre et les replace dans un décor moderne, plus actuel. Je puise mon plaisir dans les passerelles que je construis entre ces deux univers. Avec la "fanfiction", l’histoire ne s’arrête jamais.

INA – Quelles relations entretiennent les auteurs de "fanfictions" avec les auteurs « originels » ?

N.H – La plupart des auteurs sont contre la fanfiction. J.K Rowling s’y oppose par exemple. Ils nous considèrent parfois comme des imposteurs . Comme si les auteurs de "fanfictions" n’étaient pas légitimes. Pour autant, nous n’avons pas le sentiment de trahir leurs écrits. J’ai mis un certain moment à me considérer comme autrice. Je pense qu’ils doivent accepter qu’à un moment, leur œuvre leur échappe.

A l’inverse, « Harry Potter et les enfants maudits », une pièce de théâtre écrite par le dramaturge Jack Throne a été adoubé par J.K Rowling. Le texte aborde la génération des enfants d’Harry Potter, la suite de l’histoire que nous connaissons. Beaucoup de thèmes et leviers narratifs étaient clairement issus de la "fanfiction", ce qui n’a pas échappé à la communauté.

INA - Qui sont vos lecteurs ?

Nous sommes publiés sur internet, nous avons un lectorat avec lequel nous interagissons. Harry Potter n’aurait pas eu le succès que l’on connait si les fans ne s’étaient pas accaparés le phénomène. Il faut faire confiance aux fans et à leur capacité à respecter les œuvres. Une "fanfiction", c’est un témoignage d’amour envers une œuvre.

INA - La "fanfiction" permet également à la culture de s’ouvrir au plus grand nombre…

N.H – Le fait que chacun puisse maintenant inventer et créer est une bonne chose. Cela démocratise ce qui était auparavant réservé aux élites. Musique, littérature, cinéma, animé, jeux vidéo : le fandom touche un large panel de la société, et ce n’est pas près de s’arrêter à mon avis.

Tournoi de Quidditch à Lesparre
2012 - 02:18 - vidéo

Lundi de l’INA : Où sont les fans ?
Lundi 30 mai 2022
Bibliothèque nationale de France, Petit Auditorium, Quai François Mauriac - 75013 Paris

Quel rôle ont joué les médias dans l'émergence des communautés de fans ? Nourris de contenus et de références audiovisuelles, les fans composent des identités, inventent des modalités d'engagement. Si les « groupies » ont souvent été regardé(e)s avec condescendance ou amusement, les pratiques des fans sont aujourd'hui réévaluées, pour rendre justice à leur créativité et à leur inventivité.

Quel rôle ces communautés tiennent-elles dans le paysage artistique et culturel ? Au fil d'un parcours dans les archives de l'INA, de la télévision à internet, nous vous invitons à entrer dans leurs univers, à explorer la diversité de ces communautés et de leurs pratiques.

Ce lundi de l'INA a été préparé en partenariat avec le master « Création et médiation culturelle » de l'Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, et vous est proposé par : Nina Auclaire, Anna Schroer et Vera Yakoubi.

Participants :

  • Sébastien François : enseignant-chercheur à l'UCO Nantes, spécialiste du phénomène des fanfictions. En 2018, il a codirigé avec Thomas Pillard le numéro de la revue Genre en séries dédié aux « écrits de la réception ».
  • Nina Hazel : autrice de Le Contrat (fanfiction.net), inspiré de l'univers d'Harry Potter, et podcasteuse, s'intéresse à l'écriture de "fanfictions", et explore ce thème sur sa chaîne YouTube.
  • Christian Le Bart : professeur de Sciences politiques à Sciences Po Rennes, spécialiste des cultures et identités politiques. Il a publié dernièrement Johnny H, construction d'une icône (Les Petits Matins, 2018) et Petite sociologie des Gilets jaunes (PUR 2021).

Soirée introduite par Tiffany Anton (INA) : Archéologie des fandoms en ligne. Parcours illustré dans les archives web de l'INA sur l'évolution des pratiques des communautés de fans en ligne.

Lundi de l'INA : où sont les fans ?