L'ACTU.
Selon une information de France info, la ministre de l'Éducation nationale Anne Genetet a confirmé mardi 12 novembre le maintien des groupes de niveau au collège. Depuis la rentrée 2024 et sur une idée de l'ancien ministre de l’Éducation Gabriel Attal, les classes de 6e et 5e sont réparties en groupe selon le niveau des élèves, pour le français et les mathématiques.
Un choix décrié qui relance le débat autour de l’hétérogénéité au collège. Cette controverse est récurrente depuis la réforme Haby et la création du collège unique en 1975. En 1982, un rapport était rendu au ministre de l'Éducation de l'époque, Alain Savary. Il préconisait d'aménager des temps de travail en groupes d'élèves de niveau hétérogène pour les 6e et 5e. Retour en archives sur les expérimentations qui accompagnèrent ces propositions.
LES ARCHIVES.
« La classe traditionnelle éclate ». Février 1983 : Antenne 2 Midi consacrait une grande partie de son journal à une nouvelle réforme de l'Éducation nationale. Quelques mois plus tôt, le ministre Alain Savary s'était vu remettre un rapport et des préconisations par Louis Legrand. Celui-ci était chargé de trouver une solution aux lacunes du collège Haby, instauré par la réforme du même nom en 1975. En cause notamment : la grande hétérogénéité des élèves.
Le projet de réforme d'Alain Savary, qui s'appuyait sur les conclusions du rapport Legrand, imagina notamment regrouper les élèves par niveau pour les matières fondamentales. C'est ce que décrivait l'archive en tête d'article.
Dans la deuxième partie du reportage consacré à la réforme Savary et disponible ci-dessous, Antenne 2 se rendait au collège Jean Zay de Lens. Là-bas, les professeurs expérimentaient déjà, à leur initiative, « la pédagogie dite des groupes de niveau ». Le commentaire décrivait la situation des collèges français : « Voilà, à quel genre de problèmes sont confrontés aujourd'hui les enseignements : dans une même classe, des niveaux bien différents. »
Rapport Legrand : l'expérience des groupes de niveaux à Lens
1983 - 02:43 - vidéo
L'équipe pédagogique du collège Jean Zay avait alors imaginé pour les classes de 5e, « une expérience de groupe de niveau dans trois matières fondamentales : français, mathématiques et langues étrangères. » Pierre-André Sotty, professeur de français, expliquait : « Il y a un effectif moindre dans les groupes de niveau pour les élèves en difficulté ce qui permet aux professeurs de lui consacrer énormément de temps. » Un jeune élève se montrait ravi de cette expérience : « Tout le monde se trouve à l'aise dans son groupe et s'il peut monter, il monte et s'il descend, eh bien, c'est mieux pour lui, il aura plus d'heures de cours, il pourra mieux travailler ».
Se sentir valorisé
L'équipe pédagogique de ce collège « suit de très près l'évolution des élèves » et décidait des passages de groupe en groupe des élèves. Dans ce reportage plutôt mélioratif, un élève racontait comment, progressivement, il avait pu monter de niveau en niveau.
Même expérimentation, cette fois-ci sur cinq ans, au collège Blaise Pascal à Longuenesse. Là-bas, disait le reportage d'Antenne 2 ci-dessous, les groupes de niveaux avaient pour intérêt « de gommer le principal inconvénient du collège Haby : ces classes où les élèves sont mélangés quelque soit leur niveau. Si bien que les forts s'ennuient et les faibles ne s'en sortent pas. »
Les groupes de niveaux au collège Blaise Pascal à Longuenesse
1983 - 03:25 - vidéo
Bertrand Lothe, professeur de mathématiques, se montrait néanmoins plus mesuré que ses collègues de Lens : « Il n'est pas question de dire non plus que les résultats sont meilleurs dans un tel système, mais disons qu'il est plus facile de s'adresser à un public d'élèves de niveau à peu près égal ». Le principal du collège, lui, louait un dispositif que permettait de « progresser, de se sentir valorisé beaucoup plus que dans un système traditionnel ».
Au détriment des groupes les plus lents
Conclusion du reportage : « Reste que pour les enseignants, cette organisation n’est pas le remède miracle. Au collège Pascal, cela marche parce que la population scolaire est plutôt facile. Les enfants n’ont pas les difficultés de ceux des grandes concentrations urbaines par exemple. Et même ici, il y a des problèmes, surtout pour les groupes lents. »
Il s'agit en effet de la principale critique que les spécialistes ont apportée à ce système de groupes de niveau et que ses détracteurs continuent de mentionner aujourd'hui face aux propositions de Gabriel Attal.
Ainsi, en 1997, la sociologue Marie Duru-Bellat étudiait avec Alain Mignat le cas de l'hétérogénéité des classes. Elle notait que « depuis la rénovation des collèges entreprise en 1983 sous le Ministère Savary à partir du rapport Legrand, de nombreuses initiatives se sont progressivement développées ». Dans cette étude, elle en concluait : « Au total, il apparaît clairement que si les familles ont intérêt à ce que leur enfant soit scolarisé dans une bonne classe quel que soit son niveau initial, le politique doit faire des choix autonomes, l'intérêt collectif ne pouvant pas résulter de la sommation des intérêts individuels. Il a été montré que la constitution de classes hétérogène était sans doute la meilleure façon d'élever le niveau moyen de l'ensemble des élèves, au bénéfice des plus faibles et sans pénalisation notable des plus brillants. »
La réforme Savary-Legrand ne fut appliquée que sur la base d'enseignants volontaires, ce qui limita son impact. D'autant qu'Alain Savary fut remplacé en 1984 par Jean-Pierre Chevènement, dont la politique se différencia de celle de son prédécesseur.