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Un médecin à bout : «Je n'ai jamais demandé à voir 40 patients par jour, du lundi au samedi»

Un médecin à bout : «Je n'ai jamais demandé à voir 40 patients par jour, du lundi au samedi»

Les syndicats de médecins généralistes rejettent la proposition de la Sécurité sociale de faire passer la consultation à 30 euros. En décembre 2022, les médecins généralistes de France avaient fait grève pour réclamer une revalorisation du prix de la visite. Les griefs de la profession sont très proches de ceux dénoncés par les médecins dès les années 2000.

Par Florence Dartois - Publié le 01.12.2022 - Mis à jour le 27.02.2023
Médecins : conséquences grève - 2001 - 01:57 - vidéo
 

L'ACTU.

Le 27 février 2023, les principaux syndicats ont rejeté l'accord de l'Assurance maladie proposant une revalorisation des consultations à 30 euros. En cause, des contreparties demandées comme la mise en place de « contrats d'engagement territorial » dans les déserts médicaux. Au micro de France Inter, le ministre de la Santé François Braun s'est étonné de ce refus. Début décembre les médecins généralistes et biologistes libéraux avaient appelé à fermer les cabinets et laboratoires pour obtenir des hausses de tarifs (de 25 à 50 euros la consultation), les autres pour éviter un « coup de rabot » annoncé. Ce mouvement présenté comme « historique » avait été initié par le collectif « Médecins pour demain », rassemblant près de 15.000 membres sur Facebook, symptôme du malaise qui se répand parmi les 110.000 praticiens libéraux en exercice. Les 50 euros réclamés permettraient de se rapprocher de la norme européenne. Cette hausse des tarifs est présentée par les syndicats comme un levier pour attirer les plus jeunes vers la médecine de ville écrasée par les tâches administratives au détriment du soin. Certains griefs actuels rejoignent ceux des médecins généralistes d'autrefois. C'est que montre l'archive en tête d'article.

L'ARCHIVE.

Fin décembre 2001, les médecins généralistes étaient en grève pour le pont du Nouvel an. Ils exigeaient une revalorisation de leurs tarifs et dénonçaient aussi des conditions de travail parfois difficiles. Le journal de 20 heures de France 2 s'était rendu en Bretagne pour rencontrer des médecins et les interroger sur leur quotidien. Le docteur Christian Patin, une quarantaine de consultations et de visites par jour, évoquait une certaine lassitude. Au volant de sa voiture, il décrivait ses horaires trop importants, « 70 heures par semaine » et le peu de temps qui restait pour « la famille et les loisirs ». Alors que les 35 heures se mettaient en place dans le pays, lui regrettait de « passer son temps au travail ». S'il parlait encore de passion de son métier, il ressentait aussi une sorte « d'injustice sociale ». Comme les médecins en grève en 2022, il réclamait une revalorisation des honoraires, justifiant cette demande par les investissements qu'il avait faits dans le cabinet qu'il partageait avec un confrère. Face aux charges courantes, aux taxes, impôts et salaires du personnel, il l'assurait, « une consultation, ce n'est pas du bénéfice pour les médecins ».

Aux urgences, où les personnels soignants étaient aussi en grève, ce mouvement mettait la pression sur les réquisitionnés et vers lesquels se tournaient les patients.

Pas assez de médecins

L'archive ci-dessous datée de janvier 2001 dresse là le portrait d'une médecin de campagne qui parcourait 35 000 km par an entre Vezoul et Belfort. Anne Naudal, elle aussi, avait le sentiment de rater sa vie avec ses 14 heures de travail quotidiennes. Ses mots étaient forts : « C'est une prison qui a été concoctée par des pouvoirs publics qui n'ont pas prévu l'évolution démographique des médecins ! (...) ». Le journaliste concluait : « Si rien ne bouge, d'ici à 10 à 15 ans, il n'y aura bientôt plus un docteur au bout de la ligne ».

Épuisement et désespoir

En 2014, la situation s'était encore aggravée. Le 19-20 Paris Île-de-France de France 3 dressait le portrait du docteur Zbar, médecin généraliste à Cormeilles-en-Parisis. Avec toujours moins de confrères, ses journées s'allongeaient, au même titre que la liste de ses patients. Inquiet de la réforme qui s'annonçait, il avait écrit à François Hollande, alors chef de l’État, pour lui faire part de son désarroi. Après les consultations médicales, il y avait tout le travail administratif. Les semaines faisaient presque 70 heures, mais le docteur Zbar n'arrivait pas à économiser, car entre les impôts, l'URSSAF et les charges, il reversait presque 80% de son chiffre d'affaires. « S'il me reste 3 ou 4 000 euros, c'est un maximum. Je n'ai jamais demandé à voir 40 patients par jour, du lundi au samedi. C'est un fait, il n'y a pas assez de médecins. Nous, nous sommes là, sur le terrain, on essaie de soigner tous ces gens, mais on a l'impression d'être puni. »

Dans sa lettre adressée au Président de la République, c'est son désespoir qui s'exprimait : « Je suis désespéré et financièrement profondément préoccupé. Je suis étouffé et proche de ne plus pouvoir payer ce que me réclame une fiscalité asphyxiante et ainsi odieuse. »,

Pour le docteur Zbar, la grève était inévitable car l'avenir proposé par la réforme de santé l'inquiétait encore plus que son présent.

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